Khris Anthelme Apécien
Nombre de messages : 7546 Age : 71 Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Le rondeau parfait Ven 24 Déc 2010 - 17:05 | |
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Souvenir sans âge
S’en vient le jour de louer nos aïeux, Les dorloter comme il est bel usage ! Tant chaque année illumine leurs yeux, En chuchotant un souvenir sans âge.
Un ciel d’hiver, un manque d’entourage, Le corps meurtri, croyez-vous qu’ils soient vieux ? Non, seulement un léger dérapage, S’en vient le jour de louer nos aïeux,
Leurs maux dit-on, retardent les adieux ! Si le repos les attend, l’élagage Ne leur fait peur, pour en sourire et mieux Les dorloter comme il est bel usage !
Leur existence est un bel assemblage Chu des saisons, des chants mélodieux Qui les a fait s’oublier d’être sage, Tant chaque année illumine leurs yeux.
Mais du printemps, certains ont vu les cieux, Adèle et Paul sont au grand remisage, Sera Noël, instant silencieux En chuchotant un souvenir sans âge.
Puis ils riront, chanteront le rouage De leurs amours, et les temps glorieux De leur jeunesse, un ris sur le visage, Le ventre plein et l’œil insoucieux. S’en vient le jour de louer nos aïeux !
Oraison pour un tombeau
Comme est obscur et froid ce trottoir implacable ! Tant le soleil s’est tu de sa douce chaleur, Tant sa pesante croix devient insupportable, Ce fardeau qui l’enfonce autant que son ampleur.
Pour lui faire saisir son immense douleur Un reste de frisson dans son âme s’attable Et lui transmet encore une présente peur, Comme est obscur et froid ce trottoir implacable !
Dans l’ombre d’un murmure au drapeau qui l’accable, Ecoutez-le gémir d’un abîme entraîneur Où sombre son destin, bien pis qu’avec le diable, Tant le soleil s’est tu de sa douce chaleur.
Et l’espoir d’une aurore a son goût de rancœur Où rien ne s’aperçoit de son jour misérable, D’une nuit qui surgit pour sentir son aigreur Tant sa pesante croix devient insupportable.
Sa galère priant qu’elle soit vénérable Pour que son âme atteigne un monde déserteur, Et que cette oraison au moins soit profitable, Ce fardeau qui l'enfonce autant que son ampleur.
Ne voyant qu’un tombeau pour sauver son honneur Chu d’un dernier souhait, s’éloigner moins minable Pour que son feu s’éteigne émerveillant son heur, Se berçant du déclin veillant l’irréparable, Comme est obscur et froid ce trottoir implacable !
Te souviens-tu ?
Te souviens-tu, du temps où l’on jouait aux billes, De nos cris, quand la joie étayait ce moment Le profil de travers en regardant les filles Qui frétillaient d’un pied l’œil vers le firmament ?
De nos cahiers du jour écrits très finement, Des leçons dont la plume oubliait les cédilles, Du crayon sur l’ardoise au léger bruissement, Te souviens-tu, du temps où l’on jouait aux billes ?
De nos jeux sous la pluie, armant nos escadrilles Au caniveau, jouant les marins, consommant Quelques noix pour laisser naviguer leurs coquilles, De nos cris, quand la joie étayait ce moment ?
De la mare inondant notre cour, bêtement, Eclaboussant nos pas mal chaussés d’espadrilles A quatre sous, riant à l’éclat sottement, Le profil de travers en regardant les filles.
De l’internat, venu l’instant des bas résilles, Comme deux chiens perdus d’un bel harnachement, Ces donzelles hissant leur brillant jeu de quilles Qui frétillaient d’un pied l’œil vers le firmament ?
De mon retard, rompu d’un long cheminement, Trop empressé d’étreindre et de gravir les grilles, Muet d’émotion, pour un balbutiement Les habits et le crin défaits par des brindilles, Te souviens-tu, du temps où l’on jouait aux billes ?
Sortilège
C’était un soir hurlant son sortilège ! Je vous le dis, son visage feutrait Ma nuit d’un songe, éclairant son stratège Obscur et fort, lequel me séquestrait !
Cet œil, perçant les cieux de son attrait Pour me lancer son murmure en arpège, Moi qui pensais jamais n’être distrait, C’était un soir hurlant son sortilège !
Je m’étais vu choir de mon propre piège, Ma plume autant, surprise se cloîtrait Dans l’encrier, priant qu’on la protège, Je vous le dis, son visage feutrait !
Je la voyais, me tirant le portrait D’une lueur faisant pâlir la neige, Pour me céder son flambeau qui frustrait Ma nuit d’un songe, éclairant son stratège !
M’examinant l’âme de son manège Instruit d’un cercle en feu qu’elle cintrait, Pour me sortir le sort d’un sacrilège Obscur et fort, lequel me séquestrait !
« Cela suffit, tenez-vous en retrait, Mandez plutôt le Pierrot qu’il abrège, Où sa flamme aussi qui tout orchestrait, Sa Colombine est chez moi lui criais-je» ! C’était un soir hurlant son sortilège !
Honte à mon pays
Je les perçois, chaque jour plus nombreuses Sortant de terre, émergeant en taudis De sombre abord enrichis d’âmes creuses S’attribuant un borgne paradis.
Quand, leur terrain est vague aux interdits, Ou, prétextant leurs tanières lépreuses, Croulent leurs toits sous les pleurs alourdis, Je les perçois, chaque jour plus nombreuses !
Et, leur hiver aux fenêtres vitreuses Ceint la misère au monde des non-dits, Recouvre un sol de roulottes affreuses Sortant de terre, émergeant en taudis.
Vivre ou survivre en gîtes engourdis Est fort meilleur que les leçons foireuses Des financiers aux esprits enlaidis De sombre abord, enrichis d’âmes creuses.
Faites en tôle, hors saisons et scabreuses, Vaut leur éclat plus que ces érudits Les doigts dans l’or et les paumes véreuses S’attribuant un borgne paradis.
Honte au pays, aux cerveaux ébaudis N’ayant à l’œil que bourses ténébreuses, Mais, le trépas ne cède ses crédits Que pour troquer ses tombes chaleureuses, Je les perçois, chaque jour plus nombreuses !
De mort lente
D’empressement, je me meurs de mort lente, J’entends ta flamme enlacer ma raison, Quand sur l’aurore un attrait m’alimente Le verbe aimer vainc en conjugaison.
Et dans mon vers renaît chaque saison Pour inventer une rime innocente Fleurant nos soirs, à son inclinaison, D’empressement, je me meurs de mort lente.
Quand tu discours à mon âme indolente, Pour m’entrouvrir ton céleste horizon, M’offrant ton sein, ta bouche croustillante, J’entends ta flamme enlacer ma raison,
Et fuir mon sang de plaintes à foison, Sombrant, étreint d’une courbe opulente, Au juste effet tel un contrepoison, Quand sur l’aurore un attrait m’alimente.
Conquis, atteint d’une fièvre brûlante Comme un automne avant l’effeuillaison, Dans un murmure, une phrase bouillante, Le verbe aimer vainc en conjugaison.
Qui mieux, pouvait redorer mon blason Qu’une existence âpre et sanguinolente Ne soupçonnait bénir la guérison, En défiant une heure vacillante, D’empressement, je me meurs de mort lente.
Môme
Môme, on fait fi d’un vaste baratin, Au tintement de son heur qu’il abrite Vu par les grands, pour l’ardeur d’un tétin, Pour les raisons que seul un pleur ébruite !
Suffit d’un rien, un ruisseau qui s’excite, Voire admirer la robe de satin Se reflétant sur une clématite Môme, on fait fi d’un vaste baratin !
Je me souviens, de ce monde enfantin Qui se plaisait à l’onde qui s’agite Pour m’imprégner de son chant le matin Au tintement de son heur qu’il abrite.
Mon œil était spontané, sans limite De ma hauteur et bien plus que lointain, N’osant jamais froisser la marguerite, Vu par les grands, pour l’ardeur d’un tétin !
Mais de nos jours, de faire la catin Ou l’estomac bombé de dynamite, Se meurt l’enfant gobant son bulletin Pour les raisons que seul un pleur ébruite !
Force à penser, son âme est trop petite Pour s’affranchir de jouer le pantin Et retrouver la place qu’il mérite ! Ou bien, serait-ce à s’en faire un festin ? Môme, on fait fi d’un vaste baratin.
Folle saison
Décembre est fou ! Qu’a-t-il donc dans la tête ? Hier encore il neigeotait, A mon éveil sur la plus haute crête Du linceul je tirais un trait !
Même une abeille se chauffait L’aile au soleil, à ma porte, discrète, Est-ce mon œil qui décrochait ? Décembre est fou ! Qu’a-t-il donc dans la tête ?
Pourtant, posant sa laiteuse moquette, L’hiver de frimas s’aiguisait Sur Innimond, lui recouvrant l’arrête, Hier encore il neigeotait !
Et la bûche qui grelottait Sans son bel âtre, attisait la brouette Aux bras gelés, tout me leurrait A mon éveil sur la plus haute crête.
Rêvais-je encore ? Un tour ? Une bluette ? La foire au temps ? La faute au rai ? Mais cependant, malgré ce trouble-fête, Du linceul je tirais un trait !
J’ai remisé comme un benêt Mon vieux chapeau, puis sorti la minette Qui d’étonnement miaulait Impatiente à courir la fauvette. Décembre est fou ! Qu’a-t-il donc dans la tête !
Le poids des ans
Ce poids des ans qui me couve l’échine Glissant mon âme au flanc du balancier Qui se suspend au secret qu’il domine, Brillant, tranchant comme un glaive d’acier.
Il me faut bien, du temps l’apprécier Pour ne sentir mon cœur crier famine, Le célébrer devant l’échéancier, Ce poids des ans qui me couve l’échine.
De mes printemps, savourer l’aubépine Pour éviter de choir dans son roncier, De me cribler la vie à son épine, Glissant mon âme au flanc du balancier.
Quand à tricher, vouloir négocier Est inutile au jour qui se calcine, Ayant perçu le Saint Nom du placier Qui se suspend au secret qu’il domine.
Sur mon aurore un discours se dessine Sans autre droit, au verbe nourricier Luxuriant, telle une aigue-marine, Brillant, tranchant comme un glaive d’acier.
Gravé, que nul ne peut dissocier Pour que sa rime étende sa racine Dans mon tombeau, pour le remercier, Quand je verrai l’heure qui se termine, Ce poids des ans qui me couve l’échine.
Mille saisons, mille raisons
Une saison passe, une autre la suit ! Quand le ciel gronde un éclair le raisonne, Tors est son nid, l’oiseau le reconstruit, Venu l’hiver tout un monde ronronne.
Tout a sa fin, pourtant nul n’abandonne, Quand d’un chagrin une larme s’ensuit, S’en retourne un souris qui la façonne, Une saison passe, une autre la suit !
D’un jour obscur, un soleil le poursuit, Sec est l’été, couvert sera l’automne, D’un flot de sang, la paix émet un fruit, Quand le ciel gronde un éclair le raisonne ! Quand une feuille au souffle tourbillonne, C’est pour couvrir un scion enfoui, Sans pour cela qu’elle soit monotone, Tors est son nid, l’oiseau le reconstruit !
Notre univers sans cesse reconduit Un dur combat, si parfois il bougonne Sur sa blessure ou des cités du bruit, Venu l’hiver tout un monde ronronne.
Il faut se dire aussi, que s’il bouillonne Autant des cieux, ou qu’il nous éblouit Quand le dernier des printemps nous résonne, C’est qu’un nouvel écho se reproduit, Une saison passe, une autre la suit !
Docile mais bornée !
Je la savais, docile mais bornée ! Pour m’empresser du sort la prévenir, En lui glissant une lettre inclinée Pour sa raison et son vœu soutenir.
Mais, trop légère à pouvoir s’abstenir De m’exciter d’une rime émanée, Sans ne cesser de ses traits m’agonir, Je la savais, docile mais bornée !
Me suppliant la belle acoquinée, De ranimer son meilleur souvenir, Je la croyais, de misère peinée, Pour m’empresser du sort la prévenir.
Mais rien, nul mot ne pouvait retenir Sa passion, d’un verbe taquinée Pour d’un présent son blanc vélin bénir, En lui glissant une lettre inclinée.
Sa ligne douce et claire, enluminée, Ne me laissait de froid à lui saisir Quelques amours d’une frêle pennée Pour sa raison et son vœu soutenir.
Alors, j’ai vu ses rêves revenir Comme une plume au souffle dominée, Fine, éthérée et semblant détenir Le temps d’un songe une âme griffonnée, Je la savais, docile mais bornée !
En Toute Sérénité
Quand le matin un instant se relève, C’est pour ne pas me damner à savoir Ce que sera de mon plus mauvais rêve, Craignant les cieux de trop les décevoir.
Alors, le jour et de l’apercevoir M’accorde encore un éclat de sa trêve Pour sustenter de sang mon abreuvoir Quand le matin un instant se relève.
Et si, sur l’heure une aurore me crève Pour survoler le monde et son vivoir, Je lui dirai, « si je suis bon élève, C’est pour ne pas me damner à savoir ».
Ne m’égarant à ne plus rien revoir Ni de choisir qui prendra la relève Ou de souffrir, de chercher, de prévoir Ce que sera de mon plus mauvais rêve.
Mon âme éviter qu’elle ne s’achève En m’empressant d’un ultime devoir, Prier mon cœur qu’il n’abîme sa sève Craignant les cieux de trop les décevoir,
Lorsqu’il pourrait un flot de pleurs pleuvoir Ou se tarir l’océan sur sa grève, Me réjouir et ne plus m’émouvoir De l’imminent si la minute est brève Quand le matin un instant se relève.
Poussière
S’escamotant d’un siècle farfelu, Dans la poussière et sans autre fortune, Gisant au fond d’un tiroir vermoulu Presque sans vie et d'élégance aucune.
Pour le sortir d’une sale lacune, Je l’ai saisi, puis soufflé, résolu A lui défaire un nœud de sa rancune S’escamotant d’un siècle farfelu.
Et découvrir au creux de son feuillu Page après page en les vivant chacune, Des yeux j’ai bu ce discours absolu, Dans la poussière et sans autre fortune.
Des mots, des morts, d’existence commune Sous la vigueur d’un combat dissolu, Des doigts écrits sous l’ombre de la lune, Gisant au fond d’un tiroir vermoulu.
L’œil larmoyant et du récit goulu Qui me glaçait les os sans joie immune, Je relisais, mon aïeul, mon poilu Presque sans vie et d'élégance aucune.
Son crayon noir à l’abri d’une tune Ne possédait qu’un verbe melliflu Trop innocent pour rassurer sa brune, Lui déclarant son cœur sec et moulu S’escamotant d’un siècle farfelu.
Parler du pays !
Aurais-je assez d’espace à ma langueur Pour accueillir tous ses verbes d’automne S’amoncelant ? Ça me gonfle le cœur ! Je veux le voir supplier la madone !
J’ai beau gueuler, déclencher un cyclone, L’œil chevillé sur mon collimateur Boulet au pied, percer l’hygiaphone ! Aurais-je assez d’espace à ma langueur ?
Mon âme au poing, lorgne un détonateur Sur la misère en visant l’hexagone Et lui tirant mes vers en profondeur Pour accueillir tous mes verbes d’automne !
Le mors se ronge et la foule est aphone D’un suzerain emberlificoteur, La faim, le froid, les valeurs de son trône S’amoncelant, ça me gonfle le cœur !
Je fais appel à notre créateur Pour que ce sieur en durée il sermonne, Car au devant du croc du fossoyeur, Je veux le voir supplier la madone !
Et s’il le faut, je jouerai l’épigone En le mimant sous un vers lamineur Le couronnant d’une rime démone Pour lui parler du pays, de malheur, Aurais-je assez d’espace à ma langueur ?
Vent de saison (1)
Dans un silence au cœur d’une saison J’écoute au bois, rire et chanter le vent Qui nous entrouvre au jour un pleur d’oison Et rafraîchit un monde en l’avivant,
Se réjouir la chênaie, activant Dans son hourra l’immense frondaison, Tout un chacun un son lui réservant Dans un silence au cœur d’une saison.
Le temps ? Qu’importe ! Il mène sa chanson, Semant L’hiver sur le soir d’un aven Pour qu’il dépose aux rameaux un flocon, J’écoute au bois rire et chanter le vent.
Dès que s’agite un printemps, si fervent De son murmure, étourdir un bourgeon Ou reconduire un bel engoulevent Qui nous entrouvre au jour un pleur d’oison.
Quand un soleil s’enflamme d’un tison, Il course un lac d’une aile soulevant Pour sur l’été déverser un frisson Et rafraîchir un monde en l’avivant.
Mais, se réserve un souffle captivant Et délicat, lui louant sa raison Quand vient l’automne à son art achevant Par les couleurs de sa défloraison Dans un silence au cœur d’une saison.
Vent de saison (2)
Dans un silence au cœur d’une saison J’écoute au bois, le vent chanter son zèle Pour entrouvrir au jour un pleur d’oison Et rafraîchir un monde qui chancelle.
Quand d’un sursaut, la forêt se démêle Dans un hourra d’immense frondaison, Le saluant comme un ami fidèle Dans un silence au cœur d’une saison.
Le temps ? Qu’importe ! Il mène sa chanson, Semant l’hiver quand un aven le gèle Pour déposer aux rameaux son flocon, J’écoute au bois, le vent chanter son zèle.
Dès que s’agite un printemps, il s’atèle De son murmure égayant le pinson, Porte en son sein le vol d’une hirondelle Pour entrouvrir au jour un pleur d’oison.
Lorsqu’un soleil s’enflamme d’un tison, Il course une onde en la levant d’une aile Pour sur l’été déverser un frisson Et rafraîchir un monde qui chancelle.
Mais, se réserve un soupir de dentelle Et finement champlève sa raison, L’automne au goût de son œuvre rebelle Moirée aux teints de sa défloraison Dans un silence au cœur d’une saison.
La première pierre
L’homme a jeté de sa main la première ! D’une étincelle est sorti son poignard, C’était jadis, la battue à la pierre, Déjà conquis à vivre en charognard.
De sa flammèche a fait feu son regard, Pour s’éclairer sans nulle autre lumière Que son silex pour se trancher le lard, L’homme a jeté de sa main la première !
Pour se nourrir d’une chaude matière, Sanguinolente étayant son costard Qui le serrait comme une gibecière, D’une étincelle est sorti son poignard !
Puis a choisi sans crainte et sans égard Pour la coucher, la plus belle crinière Pour lui planter son pieu, son étendard, C’était jadis, la battue à la pierre !
N’ayant que paille en guise de litière Il s’est construit une hutte, un plumard, Puis un château, des murs, une poudrière Déjà conquis à vivre en charognard.
Et non repu, rabatteur et soiffard Se découvrit une trempe guerrière Semblable au roc, croyant finir vieillard, Mais ne trouva que marbre au cimetière, L’homme a jeté de sa main la première !
Poésie
La poésie est un douillet jardin Qui ne s’écrit que vers le crépuscule Pour refleurir son trait de grand matin La caressant d’un vol de libellule.
Ô, délicate, osée est la formule, Il ne suffit, d’un encrier d’airain, Ni d’une plume à l’effet ridicule, La poésie est un douillet jardin !
Qui ne grandit qu’au timbre de l’étain Quand au poète un hiver le stimule, Pour lui montrer qu’est court un lendemain Qui ne s’écrit que vers le crépuscule !
Bon jardinier, qui sait le mot qui brûle, Quand sa racine est d’un ton gobelin, Quand une lyre un soir est trop crédule Pour refleurir son trait de grand matin !
Ou, de savoir arroser son écrin Dans la saison quand une source ondule, Puisant son chant, son rire féminin, La caressant d’un vol de libellule.
Car celui-là, défripe sa plumule Comme le peintre aiguise son fusain Pour qu’il se fonde au lien de sa spatule, Alors, il sent, que dans son tableau teint, La poésie est un douillet jardin !
Tribut
Je sens vos vers fourmiller leurs tributs Décomposés d’une ire interminable, Les faisant choir de sang blême et verjus, Tous enfouis dans une glèbe instable.
Je les retiens, mais c’est inévitable, Mes traits sont secs, trop pressés de leur jus, Serait-ce encore un ouvrage du diable, Je sens vos vers fourmiller leurs tributs !
Pourtant, vos choix étaient mûrs, bien pointus, Chauds et cinglants, tous extraits d’une table Commune aux gens, aux râbles courbatus Décomposés d’une ire interminable.
De votre muse unique et misérable Forcée au mors, de travers et d’abus, Qui se trouvait bien souvent irritable Les faisant choir de sang blême et verjus !
Avez tenté rimeurs aux noms connus, D’une tirade, un pamphlet, une fable, Que pensez-vous ? Qu’êtes vous devenus ? Tous enfouis dans une glèbe instable !
Restera t-elle au monde infranchissable, Cette misère et son relent d’humus ? De vos tombeaux au néant intraitable Ma plume tremble à voir vos os émus, Je sens vos vers fourmiller leurs tributs !
Solitude
Je vis ou meurs, folle fut la moisson, L’espérance est vaine, sans certitude, Pour ne laisser que frimas et bourdon Sur une tombe achevant son prélude.
Combien est triste un soleil qui s’élude Quand vient l’obscur, à ne voir l’horizon Que pour périr dans la désuétude, Je vis ou meurs, folle fut la moisson !
Les ans, les jours, l’âge d’une raison Suffoqueront d’un soir de solitude Lorsque l’amour éteindra sa saison, L’espérance est vaine, sans certitude.
Et, mon vivant est mort d’inquiétude A se savoir privé d’un étançon, Seul, hurlera, perdra de l’altitude Pour ne laisser que frimas et bourdon.
Réduit aux pleurs, murmurant un juron Dans un silence empli de turpitude, Muni de fleurs pour cracher un frisson Sur une tombe achevant son prélude.
Mon âme est sage en toute plénitude Etant meilleur repas au charançon, Pour réclamer en toute quiétude D’être au trépas premier à l’hameçon, Je vis ou meurs, folle fut la moisson !
Dis, c’est quand Noël ?
S’en vient Noël, la saison des cadeaux Au pied de l’arbre il videra sa hotte, Sans effrayer le rêve des agneaux Sur leur trottoir par de grands coups de botte !
Pour déposer sur l’hiver qui sanglote Quelques chiffons, ou de vieux oripeaux Juste à parer les trous d’une culotte, S’en vient Noël, la saison des cadeaux !
Sans oublier les plus gelés museaux, Qu’un appétit les dix doigts leur grignote Veillant la rue à l’envers des rideaux, Au pied de l’arbre il videra sa hotte,
Car à ceux-là, livrera sa bouillotte La remplissant des pleurs des caniveaux Ou d’un filet d’une vieille gargote Sans effrayer le rêve des agneaux.
S’il reste encor au jour, quelques morceaux Au dépotoir du palais de la haute, De ses burlats sèmera les noyaux Sur leur trottoir par de grands coups de botte !
Pour terminer, ce n’est qu’une anecdote ! Son beau sapin briguera de flambeaux, Et sifflera son aubade idiote Dans un éclat rappelant nos drapeaux, S’en vient Noël, la saison des cadeaux !
Reflet
Mais que voit-elle encor veillant mon soir, Une souris, un chat, une chouette, Monsieur renard épiant le pondoir ? Par son regard cristallin de nymphette !
Se trémoussant, s’éclairant en vedette, Pour abuser du haut de son juchoir Le crépuscule afin qu’il se soumette ! Mais que voit-elle encor veillant mon soir ?
De sa chandelle embrasant son dortoir Tel un soleil, révéler la cachette De tout un monde et tout apercevoir, Une souris, un chat, une chouette ?
Dissocier une autre silhouette, Ce groin puissant épuiser l’abreuvoir, Ou bienveillante, avertir la poulette Monsieur renard épiant le pondoir ?
Chercherait-elle encore à m’émouvoir Par sa beauté, reluire un jour de fête, Ou me flatter, séduire ? Allez savoir ! Par son regard cristallin de nymphette !
Je la devine à son œil la coquette, Dans un reflet sur l’étang son miroir, Elle se baigne et parfait sa toilette, J’en perds la boule au clair de son pouvoir ! Mais que voit-elle encor veillant mon soir ?
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