L’épouse a terminé son voyage à Cythère.
Le squelette amoureux n’était pas jovial
Sous sa stèle de marbre au message fatal ;
Il retrouve un sourire illuminant sa terre
Sa bouche généreuse, elle si solitaire,
Sur sa femme dépose un baiser marital ;
En offrant le parfum du moment floréal,
L’homme se réjouit en voyant l’adultère.
Mais il faut terminer ce bel enterrement.
Il laisse donc les pleurs couler du sentiment
Des proches, des amis au cœur silencieux.
L’oraison du curé célèbre la grand-mère
En disant que le corps n’est jamais qu’éphémère
Mais que l’âme prend vie en approchant des cieux
Chacun jette une fleur sur le cercueil de chêne
Emportant cette aïeule où n’est plus une chaîne,
Où l’attend un époux aux baisers précieux.
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L’épouse a terminé son voyage à Cythère.
Et son dernier amour accompagne un convoi
De larmes, de chagrin en pensant que la foi
Permet de se revoir, en son âme, il l’espère
La famille au complet a perdu le repère
De son identité mais respecte la loi
Même si la question revient souvent « Pourquoi
L’Homme ne suit toujours qu’un si bref ministère ? »
Le spectre patiente une fleur sur les dents
En observant la foule aux pas plus que prudents
Par crainte de tomber avant que sonne l’heure
Dans ce trou qui ne fut pas creusé pour ces corps.
D’ailleurs, beaucoup de gens font d’énormes efforts
Auprès de cette fosse et pas un ne l’effleure,
Marchant d’un pas adroit et presque martial.
Mais perdant patience, et ce n’est pas un leurre,
Le squelette amoureux n’était pas jovial.
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Le squelette amoureux n’était pas jovial
Son linceul moisissait d’ignorer la lessive,
Et son visage blanc passait à l’offensive
Envers tout habitant se montrant trivial.
Et, parfois, il pouvait être un spectre brutal
Lorsque, sa légitime apparaissait passive
Quand un homme sachant qu’elle était impulsive
Profitait, sans remords, de son cœur de cristal.
Dès lors, il se battait contre tous les semblables
Insultant sa gentille, ils étaient les coupables ;
On entendait les os, le choc était frontal.
Se plaignaient les passants que dans le cimetière
Les ossements hurlaient alors que la matière
Respectait le silence et le sentimental
Mais chacun regrettait formulant une excuse
Heureux car le squelette allait revoir sa muse
Sous sa stèle de marbre au message fatal
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Sous sa stèle de marbre au message fatal
Les défunts réunis attendaient la promise,
Et si tous étaient nus sous leur pure chemise,
Le respect la mettait dessus un piédestal
Sereins, ils préparaient l’accueil monumental
Qu’ils réservaient aux saints célébrés par l’église ;
Certains ne croyaient pas en la chose précise
Et quittaient cette fête à l’air sacerdotal.
Et le squelette épris refusant toute insulte,
Peut-être en instaurant les pratiques d’un culte,
Avait mis au rebut toute agressivité
Vous ne le calmez pas même un spectre peut mordre !
Il faut donc réagir et mettre le bon ordre
Dès qu’un voisin s’en prend à votre déité
Ainsi le revenant montrant son caractère
A fait comprendre à tous ce qu’est la vérité ;
Il retrouve un sourire illuminant sa terre.
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Il retrouve un sourire illuminant sa terre
Et peut voir ses amis, ces défunts pleins d’orgueil,
Venir tenter leur chance auprès de ce cercueil
Descendu sans le feu dans ce triste cratère.
Ce petit monde est sage et ne fait pas mystère
Qu’ici n’existe pas le plus petit fauteuil.
Un des plus dégourdis, en clignant de son œil
Lui montre cet endroit pire qu’au monastère »
Le squelette reprend la parole et ses mots
Démontrent qu’ils sont loin d’être des animaux
Et que leurs souvenirs doivent être en mémoire.
Cela dit, il est fier d’accueillir son amour
Car plus le temps passait, plus long semblait le jour.
Il souhaitait, d’ailleurs, s’en remettre au grimoire
Afin que son épouse écourte son séjour
Tant il pourrait donner sa main humanitaire,
Sa bouche généreuse, elle si solitaire.
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Sa bouche généreuse, elle si solitaire,
Avait le verbe doux, pénétrant et charmeur ;
Sachez qu’au demeurant, le plus grand embaumeur
N’aurait pu préserver une âme volontaire
Qu’importe ! Il accueillait, content, la locataire
De la dernière place et soudain son humeur
Fut d’un squelette heureux, son immense clameur
S’entendit jusqu’au pape, il fît un commentaire :
« Mes petites brebis, surtout ne craignez pas
De quitter notre monde au matin du trépas.
Écoutez ce gisant, ce n’est pas un miracle,
Qui hurle son bonheur de vivre loin de nous ;
Mes enfants, priez Dieu, mettez-vous à genoux
Et vous serez bientôt des membres du cénacle »
- Il peut parler n’étant pas à l’horizontal -
Répondit l’amoureux qui, fuyant le spectacle,
Sur sa femme dépose un baiser marital.
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Sur sa femme dépose un baiser marital !
Car il ne pouvait pas émettre un seul reproche ;
Quand est fini le deuil, chacun peut être proche
D’une autre inclinaison, l’amour est capital.
Il ne pouvait parler que du bel idéal
Dont il avait rêvé dès que sonnait la cloche ;
La revoir et partir dans la nuit qui rapproche
Afin que leur tombeau devienne musical
Ces os étaient heureux, on peut le dire aux anges,
Car ils feraient demain d’originaux échanges
De caresses sans chair et de baisers plus secs
Leur tombeau diverti serait comme une chambre
Un nid d’amour bleuté de janvier à décembre,
Une alcôve où les deux oublieraient les échecs.
Et vivant en-dessous d’un plafond couleur d’ambre
Chacun s’apporterait le bonheur conjugal
En offrant le parfum du moment floréal.
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En offrant le parfum du moment floréal
Leurs jours ne connaîtraient qu’une splendide gerbe
De coloris de fleurs et d’un parfum superbe
Qui renaîtrait au temps du matin nivéal.
Qu’importe si l’amour se montrait trop frugal
Ils seraient très heureux de découvrir sous l’herbe
Un paradis sans mots qui n’est jamais acerbe
Lequel, même petit, est bien plus qu’un régal.
Et le squelette qui revoyait sa compagne
Lui ferait découvrir sa maison de campagne,
Un tableau coloré par les fleurs et les fruits.
Et sa femme pourrait au-dessous d’un grand arbre
Se rafraîchir et puis ne plus penser au marbre,
Profitant de ce monde où ne sont pas les bruits.
Son corps est arrivé dans la dernière artère
Elle rejoint, dès lors, le monde des instruits.
L’homme se réjouit en voyant l’adultère.
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L’homme se réjouit en voyant l’adultère
Car son monde nouveau lui semble enfin parfait ;
La mort n’apparaît pas pour tout être un bienfait
Mais ce squelette, lors, lui donnait l’air prospère
« Bonjour, comment vas-tu ? demande le compère ; »
- Je ne suis pas très bien mais toi très satisfait
Tu me parais ravi du jour de ce méfait !
Laisse-moi donc le temps que mon corps récupère. -
« Tu sais, nous serons bien même s’il fait très noir
Dans ce monde de bois, de terre, le manoir
Où nous allons passer notre vie éternelle. »
- Ne pourrais-tu parler qu’en employant le tu
Car ton corps fut le vice et le mien la vertu ;
Mon cœur sera heureux loin de ta ritournelle
Et je veux m’adapter à l’environnement.
Je peux envisager une étreinte charnelle
Mais il faut terminer ce bel enterrement. -
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« Mais il faut terminer ce bel enterrement ! »
Regarde le jardin, la famille le quitte ;
Les amis sont partis dans la zone interdite
Aux défunts sauf si l’un enfreint le règlement.
Sans plus te soucier d’un seul égarement
Jouis donc de ce monde ainsi que j’en profite
Et délaisse la veille, elle nous précipite
Dans le drame et nous donne un nouveau châtiment »
- Comment puis-je oublier mes enfants, ma famille,
L’océan et le ciel et le soleil qui brille ?
Comment puis-je effacer mon plus beau souvenir ? -
« Il te faut supprimer la moindre tragédie ;
Je peux te proposer d’allumer l’incendie
Et ton cœur, plus jamais, ne te fera gémir. »
En écoutant ses mots, sa femme psalmodie
Comme pour s’accorder au nouvel élément ;
Il laisse donc les pleurs couler du sentiment.
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Il laisse donc les pleurs couler du sentiment ;
Et sa femme larmoie en regrettant la veille !
Elle savait pourtant qu’une lame surveille,
Que la faucheuse vient sans un seul grondement
Il faut continuer et, malheureusement,
En laissant l’ombre croître, oublier la merveille
Que furent ses printemps, quand hier se réveille
Elle doit effacer le chagrin, le tourment.
Elle connaît, dès lors, la douleur qui la tue
Et petit à petit la belle s’habitue
A vivre sans famille et loin de ses enfants
Et peut-être qu’un jour, en un temps qui les leurre,
La vieille accueillera leurs corps en sa demeure,
En offrant un bouquet et des cieux triomphants.
Mais le ciel peut attendre, il n’est pas encor l’heure
Elle ne voudrait pas écouter les adieux
Des proches, des amis au cœur silencieux.
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Des proches, des amis au cœur silencieux
Qui sont venus lui rendre un magnifique hommage
En lisant un poème, un peu comme un message
Finissant par des mots très révérencieux
« Nous sommes tous venus d’un pas affectueux
Te dire que jamais ne s’efface un visage.
Le tien restera donc dans ce beau paysage
Qui fût, pour notre vie, un décor somptueux.
Tu nous transmis l’amour ainsi que l’espérance
En lui quand il partait à vivre dans l’errance
Et que nous restions seuls, le regard dans le noir.
Nous sommes donc venus afin de pouvoir dire
Que des jours le dernier est le seul à maudire ;
Ce n’est pas un adieu mais juste un au-revoir. »
En quelques mots, souvent, se résume une mère ;
Et l’enfant n’a pas pu lire sans s’émouvoir
C’est ainsi qu’un curé définit la grand-mère
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C’est ainsi qu’un curé définit la grand-mère
En lisant le poème écrit par l’héritier ;
Qu’importe que l’on croit ou pas au bénitier
Il fallait que la mort soit un peu moins amère.
Chacun croit en demain et poursuit sa chimère
Mais le temps nous dépasse et comme pour châtier
Il gomme les cheveux et nous met un dentier
Mais est-ce une raison pour survivre en colère ?
Cette femme savait que seul un horizon
Peut permettre d’aimer tous les jours de saison
Et le squelette aussi reconnaît cette chose
Il dit : « J’aime toujours, et malgré mes erreurs,
Celle qui m’a choisi me préférant aux cœurs
Qui souffraient, chaque, jour, de leur métamorphose. »
Les deux croient en l’espoir, peut-être en des menteurs,
Souhaitant que jamais ne brûle la bruyère
En disant que le corps n’est jamais qu’éphémère.
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En disant que le corps n’est jamais qu’éphémère
Le squelette et sa femme ainsi vivent leur mort
N’ayant pas un regret et sachant un confort
Que n’a jamais connu l’Homme qui vocifère
Ils ont donc accepté l’éternel somnifère
En espérant sortir du triste coffre-fort
Pris par une lumière améliorant leur sort,
Offrant le paradis d’une nouvelle sphère.
Le couple se voit là sans jamais se quitter
Et si souffre leur âme, il faudra l’acquitter
En les laissant partir du cruel purgatoire
Ils s’aimeront, dès lors, comme l’on peut s’aimer
Au premier jour, l’esprit on ne peut l’embaumer
Lorsque la passion garde sa trajectoire.
Et dans le cimetière où dort l’ambitieux
Le couple ne croit pas en la fin de l’histoire
Mais que l’âme prend vie en approchant des cieux.
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Mais que l’âme prend vie en approchant des cieux !
Il faut le souhaiter sans le prendre pour cible
Cet azur qui ressemble aux clartés de la Bible
Mais autant aux noirceurs des superstitieux.
Les défunts veulent donc passer le cœur au crible
Afin de retirer la mort du merveilleux,
Clamer que l’innocence est un mot orgueilleux
Que pour la réclamer il faut être paisible
Le couple ne veut pas vivre dans la démence,
Ni dans le fanatisme ignorant la clémence
Croyant que leurs os sont d’une race d’élus.
Ceux pensant à l’amour sèment souvent la haine
En agressant l’humain pour en couper la veine
Et qu’importe l’habit, imberbes ou barbus.
Après avoir ôté d’une robe la traîne
Le squelette amoureux demande aux inconnus :
« Chacun jette une fleur sur le cercueil en chêne »
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Chacun jette une fleur sur le cercueil en chaîne ;
Et le monde est heureux d’être aussi tolérant.
Quand l’Homme tend la main, le malheur est moins grand,
La force est dans les cœurs et s’adoucit la peine
Il faudrait que la mort ne soit plus si hautaine
Et surtout que l’humain devienne un conquérant ;
Celui qui, charitable, est plus qu’un figurant,
L’acteur qui donne l’eau coulant de sa fontaine.
Et le squelette accueille un corps dans le chagrin,
Sa femme ne pourra voir se lever le grain,
La moisson se fera sans qu’elle y prête l’âme.
Et sa vie en-dessous permet-elle de voir
Ce que devient la terre et si l’Homme au devoir
Apporte son respect délaissant toute lame.
La vieille ne peut pas juste l’apercevoir
De son cercueil bien clos, et qui la sait lointaine,
Emmenant cette aïeule où n’est plus une chaîne.
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Emmenant cette aïeule où n‘est plus une chaîne
Le convoi malheureux regrette les semis
D’une femme qui fît sa famille d’amis
Tant son âme pouvait être de porcelaine.
Elle est morte hier soir, elle était la prochaine,
Souhaitons que les cieux ne soient pas endormis
Si son cœur y parvient comme il était promis
Afin qu’elle rejoigne une splendide plaine
Aujourd’hui son squelette est un homme comblé
Autant qu’un paysan qui moissonne son blé
Car elle en a fini des tristes funérailles
On a posé la dalle au-dessus de l’amour
Peut-être qu’un soleil illumine le jour
De ces vieux qui ne sont plus astreints aux tenailles
La défunte doutant d’un œil malicieux
Regarde dans le trou car elle a peur des failles,
Où l’attend un époux aux baisers précieux.
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Où l’attend un époux aux baisers précieux
Il existe un bonheur qui leur permit de naître ;
Et s’il fallut avant un peu plus se connaître
Rien n’empêcha l’amour qui fît bien des envieux.
Et si quelques ennuis assombrirent leurs cieux
Ils luttèrent sans fin se parant d’un bien-être
Comprenant que l’avoir est moins riche que l’être
Et qu’il faut accepter que le temps soit pluvieux.
Ils sont morts maintenant et tant pis pour l’écorce
Si la tombe leur offre un peu de l’autre force
Et s’ils peuvent s’aimer sans aucune douleur.
Le squelette amoureux montre une belle face
Plus belle que beaucoup vivant à la surface
Qui doutent que le noir supprime la couleur
Et l’époux patient d’une main salutaire
Amène vers le lit qui le met en valeur ;
L’épouse a terminé son voyage à Cythère.
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