Flormed Apécien
Nombre de messages : 11891 Age : 77 Date d'inscription : 28/10/2008
| Sujet: Torrent ou ru ? (couronne 1) Jeu 28 Juil 2011 - 0:56 | |
| Torrent ou ru !
1 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Pas toujours le même.
Tantôt je suis un ru coulant allégrement A travers des buis verts, offrant son gai murmure Aux promeneurs, aux amoureux de la nature Gambadant sur ma rive au luisant verdoiement.
Tantôt je suis un ciel que tourmente un orage Dont retentit la nue en horribles fracas. Je sème alors partout mes ennuis et tracas Gare à qui, sur ma sente, ose mettre un barrage !
Mieux vaut temporiser quand me prend la fureur De tout anéantir tel un typhon rageur Qui rase, qui détruit, qui saborde, qui brise ...
La tempête passée, un air serein me fait Valser telle une fleur sentant du vent l'effet, Dans un pré printanier caressé par la brise.
2 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Serein.
Dans un pré printanier caressé par la brise, J'aime courir avant le jour pour voir au loin Le bois se réveiller, à l'heure où mon recoin, En son fond froufroutant, de thym s'aromatise.
Soûlé d'air pur, je cours en longeant le ruisseau Serpentant mollement à travers la pinède Dont la fraîcheur plait tant à mon esprit d'aède Qui serine son chant tel un allègre oiseau.
Le soleil vient couvrir, de rayons d'or, les crêtes ; J'en suis ensorcelé ; je sens mes jambes prêtes A grimper vers mon nid de modeste rimeur.
J'arrive à mon bercail où, de vers, je me grise Jusqu'au soir ; oh ! rien n'est pareil à la splendeur D'un matin qui sourit sur le mont qui s'irise.
3 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Murs à fuir.
D'un matin qui sourit sur le mont qui s'irise Se nourrit à loisir mon âme que plus rien N'enchante en ce coin où survivre en galérien Me voue à la douleur, me délabre, m'épuise...
Aussi fuis-je avant l'aube afin d'aller scruter L'horizon qui ressort des toiles ténébreuses Dont la nuit a couvert les baraques fumeuses Que le besoin ne cesse de persécuter.
Une fois loin du bourg, tout mon esprit flamboie A mes côtés, mon clebs flaire, sautille, aboie On dirait qu'il partage avec moi l'enjouement.
A l'écart de ce bled où les murs nous endeuille, Nous nous sentons légers. La forêt nous accueille En ouvrant au soleil ses bois, très lentement.
4 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Nuage trouble-fête.
En ouvrant au soleil ses bois, très lentement, La montagne s'étire en répandant sa brume Sur la plaine toujours endormie où se hume Un parfum d'herbe ôtant son sombre vêtement.
Timidement, le jour point au-dessus des faîtes Et sonne le réveil des oiseaux que l'air frais De la nuit semble avoir transi. Les premiers rais Les font sortir les becs de leurs chaudes ailettes.
Un chant choral, presque muet, puis c'est le vol Vers le ciel qui sourit aux champs de tournesol. Ce sublime moment, d'allégresse, m'inonde.
Mais un malencontreux nuage vient noircir Mon horizon. Tantôt je ris sans m'obscurcir, Tantôt je suis tel un torrent rageur qui gronde.
5 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Ire extrême.
Tantôt je suis tel un torrent rageur qui gronde En dévalant d'un mont dénudé par le vent, Brûlé par un été d'enfer très éprouvant, Pour s'en aller vomir au loin toute son onde.
Rien ne peut arrêter son agressif parcours. A l'entendre rugir, on dirait un immense Monstre venu d'ailleurs cracher sa violence Sur un piteux pays et ses gais alentours.
Dans sa course effrénée, il ôte ce qui barre Son chemin ; il détruit, tue et, sans crier gare, Il engloutit les prés dans ses bruyantes eaux.
Sa rage abat les bois, déracine les haies. Son flux s'en va, partout, fauchant les roseraies Emportant les cailloux, le sol et les rameaux.
6 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Colère débridée.
Emportant les cailloux, le sol et les rameaux, Le torrent ravageur, hanté par mille diables, Envahit les logis, les hangars, les étables... Il s'en prend, follement, aux pauvres animaux !
Beuglements, bêlements, tout se confond, s'emmêle Dans les clos dont les toits risquent de s'envoler. Les villageois, voyant leurs bêtes s'affoler, Deviennent bleus d'effroi du front à la semelle.
Le gros déferlement de l'afflux argileux Fait crier les enfants fuyant les flots houleux, Par leurs mères, poussés loin de l'ample marée.
Ils courent tels des fous en proférant des mots Couverts par le grand bruit de l'onde exagérée. Rien n'est laissé sur son chemin vers les hameaux.
7 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Efforts annulés
Rien n'est laissé sur son chemin vers les hameaux. Chaque fois qu'il descend, c'est une catastrophe Qui ruine la contrée et tout bled limitrophe. Torrent maudit semant pénurie et moult maux !
L'an dernier, il avait pulvérisé les digues Pour inonder jardins, pâturages, vergers, Et faire sangloter laboureurs et bergers Qui virent à néant réduites leurs fatigues. Au grand galop, les eaux vinrent des monts voisins Pour aller recouvrir les ceps où les raisins N'étaient pas encor murs, en moins d'une seconde.
Adieu cueillette et sous ! Ce fut un vrai malheur : Cœur chiffonné, sueur perdue et vain labeur... Tout est vite noyé dans une vase immonde.
8 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Tout est à refaire.
Tout est vite noyé dans une vase immonde. Il faut donc rebâtir, cultiver à nouveau Les champs, les jardinets, soigner le baliveau... Heureusement la terre est toujours bien féconde !
Jeunes et vieux, femmes aussi, tous au travail ; La vie en ces endroits est une rude épreuve, Un calvaire inclément quand déborde le fleuve Du grand trépas qui rafle tout, gens et bétail.
Voilà pourquoi je n'ai jamais la même trempe. Parfois, j'ai les éclats d'un tonnerre en la tempe Je me mets à rugir ; rien ne peut m'arrêter.
Souvent, je suis rieur et d'humeur agréable Qui peut, en un clin d'œil, devenir détestable. On ne m'entend jamais, un folâtre air, chanter.
9 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Rêve impossible.
On ne m'entend jamais, un folâtre air, chanter Du printemps à l'hiver, je passe ; est-ce folie ? Du miel au fiel, un pas ; dame Mélancolie Me guette ; nuit et jour, ne fait que me hanter.
Je ne peux prendre un air de paisible rivière Se faufilant parmi des joncs vibrant au vent ; Ni stagner tel un lac dans un creux qui, souvent, Devient un sale étang à l'odeur ordurière.
Le soir est mon ami. Quand il vient suturer Bouches, gueules et becs, j'aime le voir durer Seul ; sa lune régnant en déesse éternelle.
Rêve insensé qui meurt sitôt né, pourchassé Qu'il est par le soleil et sa clarté cruelle. Ephémère est ma joie ; un rien peut m'attrister
10 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Beau conseil.
Ephémère est ma joie ; un rien peut m'attrister ; Je reste alors muet, enfermé sur moi-même Pour me voir hors du temps, vivant à la bohème Dans un bois où l'ennui ne peut me dépister.
Souventefois, j'ai l'air d'un torrent qui dévale Des montagnes et dont rien ne peut ralentir La course. La colère accourt me revêtir De la peau d'un géant à la voix immorale.
Je suis ange et démon ! Au fond de mon esprit Qu'ils ont dû partager, je ne sais le proscrit Du permis éclaicir, ni lequel dois-je éteindre.
Un ascète rimeur m'a tiré d'embarras. -« Prie, a-t-il dit, et prend la Muse dans tes bras ! » Et je vis en fakir, priant, sans trop me plaindre.
11 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Courts, sont les moments heureux.
Et je vis en fakir, priant, sans trop me plaindre, Reclus dans mon gourbi peuplé de morts-vivants : Mes diserts compagnons aux mots guère énervants, Mes maîtres glorieux dont j'aime aux lois m'astreindre.
Dès le coucher, je vais les tirer du sommeil Des caveaux pour, sous leur regard, faire la lyre Fleurir le parchemin. La rime dompte l'ire ; J'allume la bougie au doux rayon vermeil.
C'est alors que surgit, de l'ombre, l'égérie Pour souffler posément de beaux vers en série ; Et c'est parti ! J'écris, j'écris, pas de temps creux !
Je vois déjà s'éterniser mes pleurs de plume ; Mais la vie est toujours entre soleil et brume ! Parfois, j'ai l'esprit gourd, perclus et ténébreux ;
12 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Inertie
Parfois, j'ai l'esprit gourd, perclus et ténébreux ; A me faire douter si j'ai bien dans la tête Quelque endroit encor sain pour faire l'exégète Pouvant analyser mes écrits vaporeux.
J'ai la pensée à sec comme un ru que la rage D'un avant-deux brûleur a bu ; laissant au four Du soleil ses galets qui crépitent le jour, Se lamentent la nuit, dans leur lit sans feutrage.
Ainsi coule ma vie entre un clair fugitif Et l'ombre d'un obscur au ton rébarbatif Dont pas un rai ne peut, ses rudes lois, enfreindre.
Je reste stupéfait, les yeux ouverts sans voir. Sous mon sombre turban, règne le désespoir : Pas un mot ne jaillit ; pas un vers n'ose poindre.
13 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Léthargie.
Pas un mot ne jaillit ; pas un vers n'ose poindre. Mon chef spirituel m'avait, jadis, appris : -« Guère d'acharnement, car écrire à tout prix Eloigne du sommet que l'on désire atteindre ! » Alors dès que je sens le vide s'instaurer, J'accorde un bon repos à la plume qui sèche Au bord de l'encrier cependant que la mèche De la bougie est prête à se revigorer.
La moucher lui suffit pour reprendre sa danse. Je la laisse fumer. La cassolette encense, A peine, l'air qui stagne entre les murs terreux.
Parfois mon esprit dort, bercé par la paresse Qui l'assoupit, le choie en douceur, le caresse ; Mais souvent je le sens alerte et vigoureux.
14 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
L'ange est vainqueur
Mais souvent je le sens alerte et vigoureux, Mon appareil penseur ! Qu'a-t-il à me surprendre En jouant de ces tours à me faire dépendre De ses folles humeurs ? C'est cruel ! C'est affreux !
Pourquoi veut-il, des fois, que je sois effroyable, Moi qui suis toujours gai, toujours tendant la main A l'autre, avec amour, vénérant l'être humain, Moi que tous mes amis me disent fort aimable ?
Pourquoi tantôt je prends l'allure d'un démon Descendu des enfers, reniant tout sermon, Maudit cours diluvien, semant mort et terreur ?
Est-ce là mon destin ? L'ange est heureusement, Dans ce vilain combat, le glorieux vainqueur. Tantôt je suis un ru coulant allégrement.
15 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Torrent ou ru ! Tantôt je suis un ru coulant allégrement Dans un pré printanier caressé par la brise D'un matin qui sourit sur le mont qui s'irise En ouvrant au soleil ses bois, très lentement,
Tantôt je suis tel un torrent rageur qui gronde Emportant les cailloux, le sol et les rameaux. Rien n'est laissé sur son chemin vers les hameaux. Tout est vite noyé dans une vase immonde.
On ne m'entend jamais, un folâtre air, chanter. Ephémère est ma joie ; un rien peut m'attrister ; Et je vis en fakir, priant sans trop me plaindre.
Parfois, j'ai l'esprit gourd, perclus et ténébreux ; Pas un mot ne jaillit ; pas un vers n'ose poindre. Mais souvent je le sens alerte et vigoureux.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Dernière édition par Flormed le Lun 13 Fév 2012 - 15:53, édité 2 fois | |
|
Invité Invité
| Sujet: Re: Torrent ou ru ? (couronne 1) Jeu 28 Juil 2011 - 6:28 | |
| :lol: je suis en admiration devant ta couronne de sonnets, elle retrace, si j'ai bien compris, un bout de ta vie, où tu es tantôt ru ou bien torrent, dévalant les falaises de la vie, avec une ardeur qui parfois se fait trop légère, parfois te submerge. j'ai appris un mot "souventefois"j'ignorais celui ci
merci mille fois pour ce partage et encore bravo
amitié :flower: |
|